« Les meilleures lectures de l’été »

Ce Hors-Série coproduit par Marianne et Le Magazine littéraire  propose un savant et parfois audacieux mélange entre classiques à revisiter et romans contemporains.

On pourra regretter le manque de dossier, de colonne vertébrale. Il faut voir ce hors-série comme une invitation à la curiosité. Bon nombres d’écrivains font part de leur coup de coeur ; les critiques poches sont souvent intéressantes et loin du copinage entre auteurs (pour une fois ?)

Lire est une résistance à l’instantanéité, au plaisir immédiat. Il demande du temps pour une immersion, temps que l’on se refuse, que l’on ne se permet plus au nom d’une efficacité de l’acte, à chaque instant. Ce qui est souvent paradoxale lorsqu’on voit la consommation vertigineuse de jeux vidéo, d’Internet ou de télévision / films téléchargés, ce qui est bien plus chronophage que la lecture.

Une spécificité de la lecture c’est la rencontre entre notre propre imagination et celle de l’écrivain. Alors qu’un jeu vidéo impose ses images, son rythme, ses arcs réflexes – la lecture reste le domaine d’un partage de liberté.

La lecture permet de ne pas prendre tout au premier degré, de ne pas être résumé à une série de réflexes vis-à-vis de stimulus que nous subissons – tout comme l’écoute de certaines oeuvres de musique, de théâtre… Ce n’est pas pour rien qu’il y a autant d’adaptations littéraires à l’écran, que celles de Vipère au poing par Philippe de Broca, ou des enfants du marais, dérange ou enchante, selon le film, autant les téléspectateurs. Leurs images jaillissent d’un puits profond, au fond duquel le cinéaste a macéré longtemps des émotions.

Internet vs livre, la bataille est inégale. Elle traduit l’incapacité d’une partie de la population à avoir une solitude choisie, exploratoire, pour se retrouver, se ressourcer, au travers d’une histoire qui ne parle pas de nous en tant qu’individu mais en tant que personne liée à la communauté humaine. Lire parait égocentrique, alors que c’est l’inverse : on s’intéresse à des vies qui ne sont pas les nôtres, pour s’intéresser à la vie en général, pour mieux vivre avec les autres.

Résister, c’est lutter sur le plan écologique, social. C’est impulser ou participer à des alternatives – d’un jardin bio et collectif à une association de l’ESS. Mais c’est aussi être en rupture avec l’infini et réel égocentrisme qui consiste à narrer, via Internet, le moindre de ses bobos, anecdotes, la petite dent du dernier etc. C’est aussi choisir un livre, l’explorer par soi-même, sans se référer à la mode, au sens commun.

Cela n’empêche pas de trouver « mademoiselle Valérie » (je ne sais plus le titre exact) entraînant et drôle, de jouer avec les dernières extensions de Battle for Wesnoth ou de délirer à un apéro. Si la vie est une composition, que l’on subit, que l’on choisit parfois, l’espace de liberté reste de s’oublier le temps d’une lecture de quelques heures, ou les égos se dégonflent par la percée des grandes et petites histoires, du présent, de notre long passé…

RM à la volée, le 27.06.11

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